Oléron encore … sous un autre angle.

Mi photo, mi poésie. Oléron phoésie.

 

Épingler des vers sur une image 

Et raconter une autre histoire.

Mettre des mots sur un instant

Pour qu'il ne s'envole pas avec le vent.

 

Bienvenue dans mon univers décalé et poétique.

Bonne lecture.



Entre chien et loup

Il m'arrive parfois de partir dans la nuit 

Pour continuer mon rêve sans briser sa magie. 

Dehors tout est silence et les formes irréelles. 

Soudain s'élève une voix, un oiseau m'interpelle. 

 

D'où vient cette habitude de se lever si tôt? 

Me demande le héron, feignant un air idiot. 

Je veux bien te le dire, mon ami l'échassier, 

Si tu me fais promesse de ne point te moquer. 

 

C'est ainsi qu'au héron, j'ai parlé de ma vie, 

De mes joies, de mes peines, de mon grain de folie, 

De ma quête incessante de magiques instants 

Où le monde est en paix pour un trop court temps. 

 

La nuit gomme les traces de nos activités, 

De la folie des hommes, la terre semble apaisée. 

Puis le voile se lève comme un dais de satin, 

Et les ombres s'allongent laissant place au matin. 

 

Pour ces fugaces secondes où tout devient sublime, 

Pour cette aube naissante, cette communion intime, 

Je me lève et je pars, peu importe l'horaire 

Cueillir dans une image cette fabuleuse lumière.

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Petite faim

Au réveil ce matin, me prit une petite faim, 

Mais rien dans le frigo, ni fromage, ni boudin. 

Pour caler ma dent creuse, point d'autre solution 

Que d'aller par moi-même faire quelques commissions. 

 

Malgré l'heure matinale, quel fut mon étonnement 

De trouver porte close chez tous les commerçants. 

Aucun ne se souciait des besoins d'une aigrette 

Tout prêt de défaillir pour cause de disette. 

 

Fortement dépitée par cette déconvenue, 

Me vinrent quelques idées pour le moins saugrenues. 

Comme de mettre en sandwich entre deux tranches de pain 

Le chien du boulanger ou un bon gros lapin. 

 

La raison eut tôt fait de reprendre ses droits, 

L'espoir remplaçant de suite le désarroi. 

Ce fut en survolant ce marais tout perdu 

Que je vis frétiller des poissons bien dodus. 

 

J'ai investi les lieux, croyant y faire bombance, 

Mais c'était sans compter sur ce jour de malchance. 

Sous mon bec les plus gros étant bien trop malins, 

Je dus me contenter de ce menu fretin.

Oléron faune poésie

Le combattant

Dans la forêt profonde se cache un grand artiste

Habile à façonner les plus purs diamants. 

Vous croiserez ses œuvres, jamais l'âme altruiste

Il travaille dans l'ombre, de la lune est l'amant. 

 

Tant de  joyaux offerts, la nature pour écrin, 

Qui souvent pleure sur eux ses larmes de rosée, 

Dès l'aube elles s'effacent quand un soleil taquin 

S'emploie à insuffler vie et don de voler.

 

Un jour, fort inspiré, le génie a créé

Cet être de lumière, cet animal volant

Qui scintille de mille feux au cœur de l’été

Pour mieux faire oublier son âme de combattant.

 

Sympetrum est son nom, fièrement il l’arbore.

Empereur des airs, rutilante cuirasse,

Cette machine de guerre tapie dans son décor

Devient impitoyable lorsqu’elle se met en chasse.

Oléron faune poésie

Aventurières

Depuis combien de temps dure notre grand voyage,

Du Nord vers le Sud, souvent loin des rivages?

A lutter dans le froid, survolant l'Atlantique,

A lécher ces grandes vagues aux embruns féeriques.

 

A n'avoir que la mer à perte d'horizon,

Et n'entendre que le vent à en perdre la raison.

A penser que demain nous en aurons fini,

Que nous aurons atteint le rivage promis.

 

Dans ce voyage sans fin vers nos mers d'exil,

La providence elle-même a déposé une île.

Sur Oléron se posent nos ailes fatiguées,

Pour une halte d'un jour dans ce havre de paix.

 

Demain nous partirons comme nous sommes venues.

Nous volerons ensemble sous des cieux inconnus.

Aventuriers des mers, nous en avons la fibre,

Nous, Sternes, revendiquons le statut d'oiseaux libres.

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Machaon gourmand

Dame Machaon de nectar s’est goinfrée,

De fleur en fleur, elle n’a cessé de butiner.

La gourmandise l’a emporté sur la raison,

Dame Machaon est d’une humeur de cochon.

 

L’été approche, à quoi bon sortir le maillot?

Pour que les bonnes copines la traitent de cachalot!

Dame Machaon a grand besoin de réconfort,

Comment faire pour ne plus avoir honte de ce corps?

 

La publicité lui a joué ce mauvais tour.

Ils disent de manger cinq fruits et légumes par jour.

A ce grand principe, elle s’est volontiers pliée,

Malgré ces efforts, elle se sent toute boudinée.

 

En trois mois, Dame Machaon a pris du poids.

Sous son embonpoint la frêle balance ploie.

Depuis ce matin, elle rumine une question:

Mieux vaudrait peut-être butiner du saucisson?

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La course du Pluvier

Plus vite, toujours plus vite, le rythme s'accélère.

Pour rester dans le coup, tu mènes un train d'enfer.

Marcher ne suffit plus, maintenant il faut courir,

Arriver essoufflé et bien plus vite vieillir.

 

La vie n'est plus un don, c'est une performance.

Pour avoir ta Rolex, opprime la concurrence,

Pour gagner ton susucre, atteins tes objectifs,

Piétine ton voisin et écrase lui le pif.

 

Si tu arrives en tête, je te trouverais rentable.

Si tu tombes en chemin, c'est que tu es minable.

S'il te reste des amis, faut qu'ils te lèchent les pompes

Ils envient ton succès, par derrière ils te trompent.

 

Vous aurez deviné que j'ai quitté la course.

Prenant de la distance, je vis comme un vieil ours.

Ralentissant l'allure, cette phrase je médite:

Plus tu pédales moins vite, moins tu avances plus vite.

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Colère de Buse

Comment vous dire clairement ce que je ressens?

Comment pourrais-je retenir ma colère?

Dans ce monde bientôt réduit à feu et à sang

Sur ce qui reste de la planète terre.

 

Vous souciez-vous de l'avenir de vos enfants,

Lorsque méticuleusement vous sabotez,

Détruisez, cassez, réduisant tout à néant,

Sans même voir plus loin que votre bout de nez.

 

De là-haut dans les airs, je vous regarde faire,

Impuissante mais lucide, pour un temps encore libre.

Ce que j'apprends sur vous ne peut que me déplaire,

Vous qui avez rompu le fragile équilibre.

 

En cinquante ans à peine, vous avez réussi

A faire de cette planète une vaste poudrière.

Votre cupidité vous pousse vers la folie!

J'ai peur qu'il soit trop tard pour faire machine arrière.

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Mélancolique Ancolie

Avant de vous connaître, je n'aurais jamais cru

Qu'un frêle végétal nourrisse des états d'âme.

Et puis en me penchant je me suis aperçu

Qu'en silence vous pleuriez, mais pourquoi belle dame?

 

Mes larmes sont un mélange d'ennui et de tristesse,

Ce sentiment s'appelle je crois mélancolie.

Il survient et m'étreint, profite de ma faiblesse,

Alors sur mes pétales roulent des larmes d'ancolie.

 

Souhaitez-vous me confier la cause de vos tourments?

Une peine partagée ne peut que s'alléger.

Personne ne saura, je vous en fais serment,

Ce que vous me direz sera notre secret.

 

Et bien voici monsieur ce qui m'attriste tant.

Dans ce bois, sous les charmes, nous vivions par milliers.

Tous étaient selon l'heure mes amis, mes amants,

Puis les hommes sont venus, en ont fait des bouquets.

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La vache et le héron Garde-bœufs

Faut-il parler de la naissance d'une amitié,

Ou plutôt n'y voir que banale complicité!

Vaste débat pour évoquer en quelques mots

La vie quotidienne de la vache et de l'oiseau.

 

Leur rencontre au marais ne date pas d'hier.

De loin se dévisageaient tant ils étaient fiers

S'évitant, hésitant à faire le premier pas.

Leur manège émouvant quelques années dura.

 

Lorsqu'un violent vent d'ouest fit décoller l'oiseau,

L'entraînant vers la vache, le posant sur son dos.

De se sentir si proches ils furent fort étonnés,

Tellement heureux, ils ne se sont plus quittés.

 

L'un et l'autre s'entraidaient en marchant de concert,

Le héron toilettait le cuir de son compère.

Le bovin par ses pas dérangeait les insectes,

Procurant à l'oiseau un repas fort correct.

 

L'histoire de cette rencontre peut vous faire sourire,

Mais cette complicité ne peut se démentir.

Si elle servait d'exemple à nos comportements,

Il y aurait sur terre plus nobles sentiments.

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Des mots sur nos maux

Des mots en moi résonnent et pour toujours m'escortent,

Je vais vous les confier, priant qu'ils vous emportent

Bien loin de ce tumulte, vers des cieux plus honnêtes,

Dans un monde meilleur, sur une autre planète.

 

Le plus précieux d'entre-eux pourrait bien être Honneur,

Longtemps considéré comme une noble Valeur.

On pourrait y adjoindre le terme de Respect,

Devenu aujourd'hui de plus en plus suspect.

 

Est-il maintenant désuet de louer la Dignité,

Qui pourtant fut longtemps symbole de Fierté?

Au nom du dieu argent est banni le Bon Sens,

A mendier ses faveurs, on perd vite toute Décence.

 

Que dire de l'élégance et de la Discrétion,

sacrifiées sur l'autel maudit de l'ambition.

Pour briller et paraître, la mode est au tapage,

Ce manque d'humilité qui déplaît tant aux sages.

 

Et cette chère disparue, je nomme la Politesse,

Qui doucement s'évanouit tout comme la Sagesse,

Laissant place à un monde dénué d'Harmonie,

Sans classe ni grandeur, bientôt à l'agonie.

 

Chacun y pleure ses Droits en fuyant ses Devoirs.

Certains sont prêts à tout pour une once de pouvoir.

Par bêtise et violence, nous cherchons la sentence,

Ne voyez-vous donc pas poindre la décadence?

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Droit comme un i

De la forêt, vous ai-je présenté mes amis

Souvent plus fidèles et de bien meilleur esprit

Que nombreux bipèdes trop souvent pervertis

Par une attaque biliaire ou toute autre maladie.

 

Voici Rudy, curieux écureuil érudit,

Aussi malin que sage et toujours fort poli

Qui, m’apercevant, de son arbre descendit

Pour un brin de causette juste entre moi et lui.

 

Puis-je savoir, monsieur, ce qui vous mène ici?

Est-ce l’un de ces hasards que nous réserve la vie,

Ou venez-vous me voir dans un but précis?

Que ce soit l’un ou l’autre, vous m’en voyez ravi.

 

Par ces mots ragaillardi, je lui répondis:

Je ne suis là ni par dépit, ni par profit,

Seule me guide l’envie de vous mettre au défi

De construire une phrase sans y glisser de «i».

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Danseuse

Toute la journée, un chaud soleil a brillé,

Inondant le pertuis de reflets argentés.

Une brume de chaleur flotte fantomatique

Horizon irréel où plus rien ne s’explique.

 

Sur l’estran d’Oléron, nous voici réunies,

Barges rousses par centaines arrivées dans la nuit.

Fatiguées du voyage, épuisées de voler

Depuis ces terres du Nord où nous avons niché.

 

Doucement s’installe le soir dans une lumière d’or.

Mes amies sont parties, me laissant sans remord

Seule face à l’océan, bercée par sa musique

Me vient l’envie de prolonger l’instant magique.

 

Seule sur cette plage, comme une offrande, un hommage

Au bonheur, à la vie, aux flots et aux nuages

Seule sur cette plage grande comme un théâtre vide

Dans les derniers rayons j’offre cette danse timide.

Oléron faune poésie

S’émerveiller

Un matin de novembre quelque part sur la terre

est venu se poser un héron solitaire.

Ouvrant son gris manteau pour sa chute freiner,

Il descendait du ciel toutes plumes déployées.

 

A l'horizon déjà, un paresseux soleil

Étirait un rayon embrumé de sommeil.

L'oiseau en majesté en fut illuminé,

Lui conférant soudain un air de sainteté.

 

L'insondable gris-vert du sauvage océan

contrastait avec force sur l'ocre de l'estran.

Ajoutant au décor de ce tableau marin

Cette impression de force, ce caractère serein.

 

Chaque jour la nature rallume les braises de vie.

Dans ces instants de grâce empreints de féerie,

Savourant mon bonheur dans cette paix si profonde,

Je ne céderais ma place pour tout l'or du monde.

 

Savoir s'émerveiller loin des strass, des paillettes,

A l’écart d'un monde que la démence guette,

Est le meilleur remède que je me suis prescrit,

Je ne suis pas médecin, c'est juste mon avis.

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L'abandon

Un jour j'ai pris le large depuis La Cotinière,

C'est une vielle histoire qui ne date pas d'hier.

Tout de suite j'ai aimé aventure et embruns,

Et plus encore ces hommes, tous courageux marins.

 

On a vécu ensemble pendant des décennies.

Connu bien des fortunes et quelques avaries.

J'ai toujours fait au mieux avec eux à mon bord,

Sous le soleil d'été ou dans le froid qui mord.

 

Ne flottant que d'un œil, toujours vigilant

Lorsqu'une une onde trop sage me caressait les flancs.

Parfois courbant l'échine devant la noire ogresse

Quand une mer en furie venait botter mes fesses.

 

Puis ils m'ont mis à quai dans ce port abrité,

Longtemps j'ai attendu équipage et marée.

Sentir le vent du large était une évidence,

Du pont jusqu'à la quille je n'étais qu'impatience.

 

Usé par les années, n'ayant plus fière allure,

Des costumes sont venus, inspecter mes blessures.

En partant ils ont dit que j'étais bien trop vieux,

Qu'à la mer pour toujours je dois faire mes adieux.

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Lendemain de fête

Hier soir sur la plage ces dames ont fait la fête.

Jusque tard dans la nuit ont sifflé des canettes,

Arrosant copieusement l’anniversaire d’Yvette

Et riant bruyamment comme savent le faire les mouettes.

 

Ce matin notre Yvette n’est pas dans son assiette.

Elle étire ses ailes et baille comme une vieille chouette.

Elle aurait préféré se cacher sous la couette

Et calmer ce pic vert qui cogne dans sa tête.

 

Mais elle a du boulot, doit maintenant faire place nette,

Vider les cendriers remplis de cigarettes,

Que dire du canapé disparu sous les miettes

Et toutes ces cacahuètes qui jonchent la moquette !

 

Elle est découragée, le désespoir la guette,

Ses abus de la nuit, déjà elle les regrette.

Se jure que plus jamais ne boira une coupette,

Fini le saucisson, elle se met à la diète.

Oléron faune poésie


Matin de rêve

Un matin comme tant d'autres, celui dont je rêvais.

Un parfum de quiétude, une sensation de paix.

Au loin, la mer qui gronde luttant contre le vent,

Ici tout est silence, règne un calme insolant.

 

Quelques grands oiseaux blancs se baignent dans l’écume.

Un doux soleil d’automne s’en vient lécher la brume

Enflammant tout le ciel de lueurs orangées,

Tapissant l’horizon d’une peinture de Monet.

 

Un homme face à lui-même pour savourer l’instant,

Désirant tout au plus qu’il puisse durer mille ans,

Croyant toucher enfin la douceur de la vie, 

Pensant l’instant unique, parfaite harmonie.

 

Un matin comme tant d’autres, celui dont je rêvais.

Qu’il m’a fallu quitter et ce fut à regret.

Depuis je chemine mais le bonheur absolu

De ce moment magique ne se répète plus.

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Transparence

Un beau jour d'été tire sa révérence.

Le soleil a brillé avec trop d'insolence,

Quand d'un vol hésitant, le fragile Gazé

Choisit pour se poser la belle centaurée.

 

Ce qu'il lui murmure ne nous regarde pas.

Il se peut que d'amour il lui parle tout bas.

Et s'il n'est pas l'amant de cette jolie fleur,

Pour elle il joue son rôle de pollinisateur.

 

Tout le jour il butine sans jamais se lasser,

Passant de l'une à l'autre, de nectar assoiffé,

S'enivrant de parfums, distribuant le pollen,

Jamais il ne s'arrête, ne ménage pas sa peine.

 

Lorsque lentement le soir tombe le silence,

Dans les herbes bruissantes, il pose son insouciance.

D'avoir tant tournoyé, il se sent fatigué,

S'enveloppe de rosée et part se reposer.

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Rêve de Gorgebleue

C'est un monde sans violence, partout règne la paix,

Une terre sans souffrance à l'équilibre parfait.

J'y coule des jours heureux, chaque matin est une fête,

Je salue le soleil en sifflant à tue-tête.

 

Depuis quelques années, bien des choses ont changé,

Les hommes ont pris conscience, mesurant le danger.

Ils se sont réveillés, comprenant sur le tard

Que leur course en avant ne mènerait nulle part.

 

Ils ont posé les armes, réalisant enfin

Que tuer tout ce qui bouge n'est pas vraiment malin.

Maintenant ils s'emploient à protéger la terre

Pensant à leurs enfants, souhaitant qu'ils en soient fiers.

 

Après bien trop d'années à jouer avec le feu,

Ils ont ouvert les yeux, l'argent n'est plus leur dieu.

Ils vivent en harmonie partout sur la planète,

Ils ont pansé ses plaies, soldant ainsi leur dette.

 

C'est un monde sans violence, partout règne la paix.

La Gorgebleue y chante en ce paisible mai.

Je me réveille trop tôt de cette douce nuit,

C'est le monde dont je rêve, pas celui où je vis.

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Le vieil homme

A la même heure il revenait chaque matin.

Ombre glissante, il arrivait par ce chemin.

Chaque jour il rejoignait son havre de paix, 

Le seul endroit sur terre où l'espoir renaissait.

 

Il s'asseyait sur cette vieille chaise bancale,

Rouillée comme ses os qui lui faisaient si mal.

Ses grandes mains usées posées sur les genoux,

Vers l'horizon errait son bleu regard si doux.

 

Les chênes verts ont grandi, nourris de ses pensées,

Souvent il leur confiait ses secrets, son passé.

Ces confidents muets connaissaient bien ses peines,

Et cet amour perdu en une époque lointaine.

 

Ce lieu était sa vie, ces arbres portaient son âme.

Des hommes ont tout coupé et ont fait de grandes flammes.

Je crois qu'il a pleuré, n'est jamais revenu,

D'ailleurs les gens d'ici ne l'ont jamais revu.

Oléron paysage poésie

Fragile orchidée

Dans le royaume des fleurs, je suis une orchidée.

Les hommes m’ont donné un nom alambiqué.

Pensez-donc ils me nomment Spiranthes spiralis,

C’est l’un de leurs caprices, je n’y vois pas malice.

 

En septembre, mes fleurs blanches s’ouvrent au dernier soleil.

Mon doux parfum enivre les bourdons, les abeilles.

Du règne végétal comme au feu d’artifice,

Je suis bouquet final, sur moi l’automne glisse.

 

Mes consœurs ont rejoint depuis longtemps les cieux.

Tardivement je fleuris pour régaler vos yeux.

Mais je suis si petite que pour me découvrir,

Tu devras t’incliner et grand tes yeux ouvrir.

 

Si un jour tu me trouves, épargne ma vie fragile,

J’ai déjà tant de mal à trouver un asile.

Les pelouses où je pousse trop vite disparaissent,

Tes enfants verront-ils un jour ces richesses ?

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La grande marée

A coup sûr, un curieux phénomène s'est produit,

Hier au soir ou alors dans la nuit des temps.

Les grands astronomes en resteront interdits,

Leurs savants calculs sombreront dans le néant.

 

A vous je vais le dire, dévoiler le secret,

Avant que la nouvelle ne devienne officielle.

Il s'est produit sur terre une si grande marée

Qu'un morceau d'océan a pu lécher le ciel.

 

Une vague tout d'abord a dépassé la dune

Avec une telle force qu'il n'en est de pareille.

Après quelques instants, elle vint baigner la lune,

Et poursuivit sa course pour noyer le soleil.

 

Toute la nuit elle resta accrochée là-haut.

Au matin sans bruit revint sur terre se poser,

En gage de cette prouesse, les dieux lui firent cadeau

D'une étoile scintillante prise dans ses filets. 

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Péril de criquet

Un petit criquet sur sa feuille bien accroché,

Doucement se balançait en ce jour d'été.

Mine triste et grands yeux perdus dans le vide,

Mais bien jeune quand même pour des pensées morbides.

 

Il songeait à sa vie, aux périls encourus.

Dans cette verte jungle, combien de pièges tendus!

Ai-je vraiment l'odeur d'un de ces mets exquis

Pour de ces prédateurs aiguiser l'appétit?

 

D'abord cette araignée et sa toile piégeuse:

Finir saucissonné, quelle fin peu glorieuse.

Ensuite ces oiseaux surgissant de nulle part,

Puis te coupant en deux pour nourrir leurs moutards.

 

Et maintenant voilà ces satanés humains,

Qui lancent une nouvelle mode, vous trouvez ça malin?

Ils viennent de découvrir que je suis vitamine.

Paraît même que mes pattes renferment des protéines.

 

Avec mes congénères, ils me feront griller,

Avant de gentiment me mettre dans un sachet.

Et un verre à la main, à l'heure de l'apéro,

Qui donc se souviendra du criquet des roseaux?

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Vaisseau de pierre

Je viens de si loin, je ne sais plus qui je suis

Ni qui m'a déposé jadis face à ce pertuis.

Je ne sais quelle force étrange m'a entraîné ici

Où, depuis des siècles, je suis la grande vigie.

 

Il y a deux cents ans et plus, j'ai vu partir l'Hermione,

Aujourd'hui elle revient, serait ce qu'elle m'espionne?

A son bord plus de soldats et plus de baïonnette.

Je ne reconnais pas non plus Monsieur de La Fayette.

 

Dans la mer j'ai vu naître ce grand vaisseau de pierre.

Que de tempêtes subies et toujours aussi fier.

Les hommes l'ont construit face aux Saumonards,

Inutile mais si beau, tel est le fort Boyard.

 

j'ai vu bien des naufrages et des périls de mer.

J'ai vu tant de vies se faire et se défaire,

Là debout sur la plage entre Boyard et Chassiron

D'où j'écoute toujours battre le cœur d'Oléron.

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Nacré

Hier encore j'étais une modeste chenille,

Cachée dans les hautes herbes et incapable de plaire.

Mais au soleil du matin, je me déshabille,

Et bien vite il me faut trouver mon partenaire.

 

Pourrai-je vraiment choisir avec qui m'unir?

Ce prince papillon que j'ai vu dans mes rêves,

Ou bien me contenter du premier à venir,

Pas trop vilain quand même! Enfin je l'espère.

 

Aimera-t-il mes yeux maquillés de lumière?

Je voudrais le séduire et bientôt l'entraîner.

Qu'il me suive à tire d'ailes là-bas dans la clairière.

Que nous fassions l'amour comme le font les Nacrés.

 

Voir naître mes enfants, je n'en ai pas le temps.

Je vous semble pressée? Ma vie est éphémère.

Je ne suis parmi vous que l'espace d'un printemps.

Au fond quel bonheur de ne pas voir votre hiver.

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En noir et blanc

Ainsi je suis né, de mes couleurs je suis fier.

Mes parents sont charmants, ils trouvent que j’ai bonne mine.

N’y voyez pas vengeance de méchante sorcière

Si de noir et de blanc mon plumage s’illumine.

 

Ma mère, dans sa bonté, ne parle pas d'échec.

Mon père endimanché a toujours plu aux dames.

Si les deux de temps à autre se prennent le bec,

C’est ainsi que leur amour tendrement proclament.

 

Il serait cavalier de les traiter de fous.

Sur l’échiquier de la vie ils ne sont que pions.

Ne pas se prendre pour roi vaut parfois un atout,

Rester dans l’ombre éloigne de bien des déceptions.

 

Si un jour ton chemin te mène jusqu’à moi,

Je te raconterai que ma pigmentation

Loin de me chagriner suscite chaque jour la joie,

D’être exemplaire unique, de jouer de séduction.

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Sacré pineau

Ce jour de février à la saint Amédée, 

Suis passé vers midi chez mon copain René. 

Au départ je venais lui déposer les clés, 

M'a offert l'apéro, j'aurais du refuser. 

 

Avec son pote Jojo il était attablé: 

Une bouteille de pineau, deux verres, une toile cirée, 

C'est le kit de survie de ces jeunes retraités. 

Avec des gars comme eux, j'aurais du me méfier. 

 

Me restait du boulot alors j'ai pris congé, 

Pas trop vite quand même, bois-en donc un dernier! 

Je ne sais plus très bien comment me suis levé, 

Ni comment au marais je me suis retrouvé. 

 

Ces piquets de clôture que je devais planter 

Avaient fâcheuse tendance à tout seuls bouger. 

Garder l'alignement je me suis efforcé, 

Moi je les vois bien droits, mais commence à douter. 

 

Après cette aventure, je me le suis juré: 

Toujours par le boulot commencera ta journée. 

Tu ne feras point chaque jour un stage chez René. 

Et après son pineau tu iras te coucher. 

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L'amoureux patient

Dans les dunes, le cochevis siffle à perdre haleine. 

Depuis ce matin, il ne ménage pas sa peine. 

Juché sur son perchoir, il scrute l’horizon. 

D'une voix pleine d'espoir, il chante à pleins poumons. 

 

Chaque printemps au retour de ces lointaines contrées, 

Il retrouve son domaine et guette sa dulcinée. 

Va-t-elle revenir d'un aussi long voyage, 

Avec pour seul allié son fragile plumage? 

 

Impatient et fébrile, il appelle sans cesse. 

Ses notes langoureuses cachent mal sa tristesse. 

Ce qui était invite maintenant devient plainte, 

Son espoir l'abandonne laissant place à la crainte. 

 

Le cochevis a chanté ainsi des jours entiers. 

Il appelait sa belle, l'amour lui promettait. 

Lui parlait de projets, évoquant l'avenir 

Dans ce nid si douillet qu'il venait de bâtir. 

 

Puis un matin de mai, il fut récompensé. 

Il vit loin dans le ciel un vol se rapprocher. 

Au battement de son cœur, il sut que c'était elle, 

Il s'élança de suite pour l'étreindre dans le ciel. 

Oléron faune poésie